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La Vouivre et le Feu

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​Il existe sur le territoire de la commune d’Ornans, un tableau magnifique à la facture ancienne (copie d’une œuvre de maître ?) et dont l’auteur est inconnu : elle représente, d’une façon très originale, la Sainte Famille entourée d’un côté de Saint Laurent, patron depuis toujours de la paroisse, de l’autre de Saint Georges, patron de la chapelle castrale dite de Mahaut d’Artois, au Château d’Ornans.

Ce qui fait le lien entre tous ces Saints, c’est l’évocation du « feu » ou du « foyer » qu’ils soient « sauvages » ou « domestiques ». Depuis quelques années, les mythologues n’ont plus peur de parler de mythologie chrétienne quand ils ont observé que la religion très souvent a pris le relais de différents mythes ancestraux et païens, tout en les sublimant et en les adaptant. Le mythe indo-européen, plus particulièrement gaulois, de la « Vouivre » est de ceux-là, notamment en Franche-Comté. Cette brève étude ne saurait le résumer tant son envergure est grande ; de plus, il a malheureusement subi les vicissitudes des siècles : tant que les légendes étaient transmises par oral, elles ne perdaient quasiment rien de leur intégrité ; mais la fixation par l’écriture leur a énormément fait de mal, car elles ont été affublées d’interprétations continuelles, typiques notamment du XXe siècle, et souvent dénaturées par l’esprit du temps des mythographes. Un mythologue se doit de remonter au plus antiques des faits, de replacer les héros dans l’espace – temps originel.
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La Vouivre, c’est le « Feu » par excellence dans sa nature même d’élément primordial puis sa « quête » sous toutes ses formes jusqu’au « Désir fou » qui conduit nécessairement à la « Connaissance », à la procréation, à la survie ou à la « vie » tout simplement. Ce « Feu » a pris ce nom chez les Gaulois, mais il a toujours existé sous des noms divers dans toutes les civilisations, civilisations qui ont évolué très vite le jour où elles ont commencé à le maîtriser : grâce notamment à sa conservation par le « charbon rutilant » que les Grecs ont appelé « marilè » ou « anthrax » et les Latins « carbunculus ». Il n’existe donc pas de Vouivre sans ce « carbone – carbunculus » dont la Chanson de Roland, au Moyen Âge, a donné l’évolution : « escarboucle ». Ce « carbone » à l’éclat insoutenable est la pierre la plus précieuse qui soit pour l’homme. Mais pour qu’elle donne sa puissance entière il faut qu’elle rayonne dans la nuit la plus totale : elle est alors pleinement dans son élément. 

Il y a plusieurs millénaires, ce n’était pas les constellations des Ourses (Chariots), toujours présentes au-dessus de l’horizon comme un charbon incandescent, qui guidaient le voyageur dans la nuit, c’était la constellation du Draco – Dragon, encore appelé « Serpens » en latin : ce nom est formé à partir d’une racine qui signifie « regarder intensément, brûler du regard, fasciner ». La Vouivre est un « Dragon de Feu » dans l’obscurité céleste. Mais elle est « terrienne » et se retrouvera, dans la religion chrétienne non pas dans l’esprit divin qu’est Saint Michel, mais dans l’Ange déchu plongé dans le Tartare, Lucifer, l’ancien « Porteur de Lumière », le « monstre » même qui se trouve écrasé et transpercé par l’épée de « Celui qui est comme Dieu ».

En effet il existe deux sortes de « feu » sur notre planète, l’un, avant tout « solaire », diurne et divin (racine *diu « jour > deus « dieu »), lié à la lumière du « jour » qui vit dans le « ciel », mais qui par l’orage pourra aussi envahir la « nuit », l’autre « terrestre » qui a pour centre le sous-sol et les balma –baumes, et fera bouillonner les volcans et les sources, fermenter les marais, Vaivre, Woëvre, et dégager des liquides (pétrole), des roches (schistes bitumineux comme à Mouthier) et des gaz inflammables. Le mot gaulois Vo-bero « Vouivre » est la dénomination de ce feu souterrain et bouillonnant qui est l’apanage entre autres du dieu latin Vulcain, véritable « diable rouge » sous son volcan. Dans la légende latine Vulcain a un fils appelé Caeculus, ce qui signifie le « Borgne » : c’est le serpent – orvet. Quant à Zeus ou Jupiter« Père de la Lumière », il rayonne le jour comme : Yahvé – Eli - Deus dans le « Buisson Ardent » de la Bible, ou dans un « Char de Feu ».
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Il existera donc, après les Anges, beaucoup de Saints, dans la religion chrétienne, qui seront liés au « feu » païen qu’ils auront à dominer. Ainsi Saint Laurent, Sainte Foy, avec leur gril, seront très présents dans notre région, à Ornans certes, mais aussi à Mouthier – Hautepierre, pays de la pierre à pétrole, où le passionné pourra se rassasier de légendes de la Vouivre « Serpent Ailé », dont l’escarboucle rutilante provoqua tant de convoitises « enflammées ». Il faut lire la légende de Nicolas (un épisode de la vie du Saint de même nom évoque l’embrasement de l’« huile du diable », du pétrole sur la mer) ou encore celle de la « catherinette » Marguerite (margarita en latin « perle, objet de convoitise » =  escarboucle ; Sainte Marguerite est priée pour la conservation des fétus) s’en allant laver les choux (annonce d’une naissance qui rappelle la mythologie de Faust et de Marguerite bafouée).
Il existe enfin des Saints destructeurs de Vouivres. Ce sont en général des « soldats », ce qui nous renvoie au plus profond de l’antiquité et même de la préhistoire, à la « guerre du feu » tout simplement. Le Serpent – Dragon né de la terre, qui rampe sur la terre et qui retourne à la terre, est le premier propriétaire de cette terre et des sources bouillonnantes qui jaillissent des balma et creusent les vallées. Le Serpent – Vouivre représente la conquête terrestre de l’envahisseur ou du défricheur « homme » qui va l’écraser. Il est donc aussi fils du dieu de la guerre, dans l’antiquité, qui crache le feu et le sang, puisque la guerre est le moyen de conquérir et les terres et les troupeaux et les femmes  ! Le héros chrétien porte donc une armure et les symboles de la destruction du « serpent », l’épée ou mieux la « lance »; chez les Grecs, il s’appellera Demetrios « Fils de la Terre - Mère » et aussi Georgos « Celui qui trace le sillon » de la conquête et de l’exploitation, Saint Georges en français.
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Que dire alors de la Sainte Famille qui apparaît sur le tableau ? C’est oublier que le père du « foyer », le père adoptif de Jésus, Joseph, était « charpentier », constructeur de « maison », de l’édifice qui a fixé par la sédentarisation définitivement le « feu ». En latin aedificare« édifier » signifie au départ « faire un temple » (aedes = « lieu où vit le feu »), puis « faire une maison ». Pour comprendre tout cela, aller vous promener à Valence en Espagne, au pays de Saint Vincent cousin de Saint Laurent, le jour de la fête de Saint Joseph : des centaines de milliers de personnes assistent à Las Fallas, aux « Failles » (latin faculaou fax « torche »). Qu’est-ce qu’on brûle ? A l’origine des « copeaux » de bois accumulés tout au long de l’année par les « charpentiers de marines » dont Saint Joseph est le patron.
De nos jours, ce sont d’immenses mannequins, représentant des gens qu’on apprécie guère, confectionnés auparavant, qui meurent sous la « cremas ». Toute la région est en liesse en ce début de printemps, comme l’est la vallée de la Loue au solstice d’hiver aux Failles de la Colline de Sainte Foy qui symbolisent l’appel à la lumière : on y brûle alors les sarments de vigne fraîchement taillés et le feu rutilant rayonne sous la cendre toute la nuit comme l’escarboucle de la « Vouivre » qui possédait les terres. En rappelant par le « Feu », ce nom gaulois, on évoque nos ancêtres et leurs durs labeurs, une conquête de tous les instants et, par un rassemblement autour de ce « Feu Gaulois », une véritable reconnaissance du droit au repos et à la réjouissance.
© Yves Messmer 2009/2018.
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